Nutrition du cheval : de la steppe à nos jours

Pour comprendre les besoins d’un cheval et les problèmes qu’il a, actuellement, dans nos conditions, il faut revenir à sa nature profonde.

Nomade dans la steppe
Depuis des milliers d’années le cheval a les mêmes besoins. C’est un herbivore monogastrique qui se nourrit d’herbes, de plantes aromatiques, de feuilles, de buissons, de racines, de baies, de noix et de graines. Dans l’environnement aride et pauvre de la steppe qui l’a façonné, il est capable de parcourir 40 à 50 km par jour à la recherche de sa nourriture. Il passe en moyenne 16h par jour à se nourrir.
Un système digestif performant depuis des milliers d’années
Afin de survivre dans la steppe, la nature l’a doté d’une physiologie particulière et d’un système digestif particulièrement performant et capable de digérer la cellulose. Cette digestion se fait grâce à une symbiose subtile avec les micro-organismes présents dans l’intestin. Les micro-organismes reçoivent chaleur, humidité et nourriture, en contrepartie ils fournissent au cheval les nutriments issus de la digestion des hydrates de carbone, des vitamines et des minéraux. Afin de préserver l’équilibre crée depuis des milliers d’années entre la flore intestinale et le cheval, ce dernier a besoin en premier lieu de fourrages grossiers pauvres en sucres et protéines et riches en hydrates de carbone structurels.
Les décennies de sélection ont certes modifié son aspect physique, le rendant plus grand, plus sportif, mais n’ont rien changé a son système digestif.
Microbiote intestinal – un équilibre fragile
Le gros intestin, est le siège principal de la digestion du cheval. C’est un milieu à pH neutre ou légèrement basique où se produit la digestion des hydrates de carbone. Ce qui serait qualifié de fibres ou de balaste chez les humains et serait éliminé de manière non digérée, peut être utilisé par le cheval. Seulement environ 15% de la nourriture ingérée est excrétée dans les crottins et l’urine et 85 % sont des nutriments que le cheval utilise. Ceci confère aux chevaux des performances digestives encore bien supérieures à celles des vaches, qui, dans leur estomac de ruminant, ne peuvent pas digérer les aliments structurés aussi bien que les chevaux ne le font dans leur gros intestin.
Afin de digérer efficacement les hydrates de carbone, de nombreuses bactéries et micro-organismes se sont installés dans le côlon du cheval. Ce sont principalement les micro-organismes qui sont capables de digérer la cellulose du foin et de l’herbe. Les bactéries lactiques, les bactéries E. coli et les streptocoques ne se trouvent dans l’intestin du cheval en bonne santé qu’en très petite quantité, les levures pas du tout. Pour que la flore intestinale se sente bien, il faut un pH approximativement neutre de 6,8-7,5. Si le pH baisse, la flore intestinale saine meurt et des endotoxines sont libérées, ce qui exerce une forte pression sur le métabolisme.
La flore intestinale et la muqueuse intestinale sont étroitement liées. Dans la muqueuse intestinale se trouvent de nombreuses cellules du système immunitaire, qui repoussent les micro-organismes nuisibles et soutiennent ainsi la flore intestinale. L’intestin du cheval est un écosystème complexe très sensible aux perturbations. L’introduction de germes étrangers, les modifications du pH et les changements dans la vitesse de transit conduisent très rapidement à des troubles intestinaux importants et aux lourdes conséquences. Les conséquences peuvent s’exprimer par des crottins en 2 phases (Kotwasser), de la diarrhée, des coliques, des ulcères gastriques ou intestinaux, et aussi mener à des maladies plus insidieuses telles que le Syndrome Métabolique Equin et le Syndrome de Cushing. Peuvent aussi se manifester des symptômes tels que la fourbure, les troubles organiques, les maladies respiratoires, les allergies, les troubles hormonaux, des problèmes tendineux et musculaires. Certaines boiteries non spécifiques, des problèmes de comportement ou des sensibilités au niveau abdominal peuvent aussi être causés par des troubles intestinaux.
 
Les enjeux de l’alimentation des chevaux domestiques

Les enjeux de l’alimentation des chevaux domestiquesLes problèmes rencontrés dans notre environnement par nos chevaux sont:

  • une alimentation de base beaucoup trop riche pour leur sytème digestif super performant. A titre d’exemple, l’herbe trouvée dans l’environnement de steppe qui les a façonné contient environ 4% de sucres, tandis que nos foins en contiennent entre 10 et 16%. Si l’on compte en méga joules (MJ), un cheval a besoin de 80 MJ, les foins sont autour de 8 MJ/kg ; une ration de 12kg apporte donc 96 MJ, soit 16MJ de plus que le besoin d’entretien
  • un manque de mouvement qui les empêche de métaboliser correctement l’excès alimentaire. Pour exemple, 1 heure de promenade au pas fait consommer au cheval 1,3 MJ…. 1 heure de travail léger (15 minutes de galop et 20 min de trot, le reste au pas) occasionne une dépense énergétique de 8 à 12MJ. On peut donc aisément compter le temps de travail QUOTIDIEN nécessaire à chaque cheval afin de se maintenir en forme….
  • une alimentation de base également déséquilibrée dans son rapport sucres/protéines/fibres digestibles. Dans des foins très mûrs, on constate souvent un déficit relatif en protéines par rapport aux sucres et un excès de fibres non digestibles en milieu de pH neutre. Le cheval n’a alors que la possibilité de stocker sous forme de gras ou de s’acidifier et la flore vivant en pH neutre meurt de faim par excès de fibres qu’elle ne peut digérer, c’est ainsi que se mets en place une flore
  • une alimentation de base bien souvent contaminée par des champignons et des toxines (mycotoxines). L’on dénombre plus de 300 mycotoxines qui sont des produits du développement d’environ 100 champignons différents (Aspergillus, Penicillium, Fusarium). Certaines sont très toxiques, comme les aflatoxines, ochratoxine, zearalenone (ZEA). L’Ergot du seigle est un exemple de ces champignons produisant des alkaloïdes qui peuvent être des poisons mortels. Elles ont un pouvoir cancérigène et peuvent également endommager le foie et les reins, mais aussi affaiblir le système immunitaire, engendrer des allergies, provoquer des problèmes reproducteurs et d’atteinte du système nerveux.
  • une alimentation de base trop pauvre en minéraux. L’intensification de l’agriculture à mené à une perte d’environ 50% des minéraux dans les sols au cours des 35 dernières années. Les fourrages issus de telles parcelles manquent donc cruellement de minéraux. Or les rôles joués par les minéraux sont essentiels au maintien de la santé et la capacité de régénération du corps :
    • constitution des tissus,
    • régulateurs des mouvements d’eau,
    • rôle dans l’excitabilité neuromusculaire,
    • élaboration des hormones, des enzymes, etc… soit par incorporation directe, soit par un mécanisme catalytique,
    • assimilation des glucides, lipides, protéines, vitamines
    • régulation du pH du corps en l’aidant à détoxifier
En résumé ces derniers assurent des fonctions tout aussi vitales que l’apport en nutriment lipides, glucides et protéines. On ne peut pas à proprement parler de carences, mais plus exactement de déficit quotidien en apports minéraux.
 
Tous ces facteurs conduisent à une acidification du tractus gastro-intestinal et à une acidification globale de l’organisme, de la musculature, à une détérioration progressive de la muqueuse intestinale et donc à une perte de la capacité d’assimilation, et ceci concerne quasiment l’ensemble des chevaux domestiques, qu’ils soient de sport ou de loisir.

Les perturbations liées à ces déséquilibres engendrées sur la flore intestinale et l’ensemble du métabolisme peuvent perdurer des mois, voire des années sans symptôme clinique alarmant, même s’il existe dans tous les cas des signes reconnaissables par un professionnel expérimenté

 (problèmes de peau, de voies respiratoires, perte de masse musculaire, manques de souplesse ou au contraire

 manque de tonus musculaire, crampes, mue qui s’étire ou qui ne se passe pas normalement). Bien souvent, lorsque le cheval est encore en croissance, son corps peut compenser beaucoup de choses en raison de l’activité de régénération cellulaire quasi permanente de son corps.

 Ensuite, selon les races, les origines, l’environnement et le capital santé initial de l’individu, les symptômes apparaissent.

Y a-t-il des solutions?
Il y a aujourd’hui un nombre phénoménal de chevaux ayant des problèmes métaboliques (fourbure, SME, Cushing), toujours plus et toujours plus tôt.
La qualité du fourrage de base est tout d’abord déterminante, mais un fourrage de qualité est toujours plus difficile à trouver, compte tenu de l’apauvrissement des sols et la priorité donnée à l’élevage intensif:  et parfois également la croyance que le cheval nécessite un fourrage pauvre. En effet le cheval a besoin d’une nourriture assez pauvre, mais l’équilibre sucres/protéines aura un effet significatif : un foin récolté trop tard sera pauvre en protéines, très riche en sucres mais aussi bien souvent, contaminé par des champignons et mycotoxines et enfin très riche en fibres non digestibles par les bactéries instestinales. Choisir un foin de qualité, quitte à le payer plus cher, réduira grandement la facture mais aussi l’efficacité de la complémentation.
En plus de fournir aux chevaux le foin le plus adapté possible afin d’éviter les déséquilibres majeurs, il est inévitable de les complémenter, si l’on souhaite qu’ils puissent grandir et ensuite performer de manière durable afin de compenser les carences ET excès de leur alimentation de base quotidienne.
Ceci dit, il existe des milliers de compléments pour chevaux sur le marché et il est intéressant d’étudier les composants autant que faire se peut afin de choisir les produits « physiologiques » pour le cheval, c’est-à-dire que son organisme est susceptible de métaboliser sans que les produits de la digestion ne créent plus de dommages qu’ils n’en solutionnent. En effet, par exemple les sucres peuvent être amenés sous forme d’amidon, sous forme de glucose, de fructose, etc mais leur passage dans le système digestif pourra être rapide pour le glucose et augmenter rapidement la glycémie ou lent pour le fructose et sans créer d’augmentation de cette dernière. De la même manière le cheval n’aura pas la même aptitude à digérer et métaboliser certaines protéines, selon qu’il s’agit de légumineuses ou de graminées.
Quant aux minéraux, ils
 sont incontournables, non seulement pour pallier aux carences de l’alimentation mais aussi pour aider le corps à détoxiquer sans puiser dans ses propres réserves minérales, par exemple les os…. Là aussi il existe différentes formes minérales, plus ou moins assimilables ou plus ou moins régulables par
 l’organisme.
En conclusion, tout le monde ne peut pas faire un doctorat en nutrition pour complémenter son cheval mais il n’est pas inutile de se renseigner auprès de spécialistes, car une bonne alimentation peut faire quelques miracles, mais une mauvaise complémentation peut aussi faire des dégâts.
 
 

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Isabelle Dorand

J’ai grandi aux quatre coins du monde, toujours proche de la nature. Dès mon plus jeune âge, je me suis passionnée pour les animaux. Aspirant d’abord à devenir vétérinaire, j’ai rapidement réalisé que ce métier ne correspondait pas à mes aspirations. Tout en poursuivant différentes activités en lien avec la nature et les animaux, j’ai suivi une formation d’ingénieure agronome.